24 March, 2025
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Order
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ORD_13139/2025
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Paris (FR) Local Div…
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EP3178578
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Division Locale de Paris
UPC_CFI_814/2024
Ordonnance
du Tribunal de première instance de la Juridiction unifiée du brevet, rendue le 24/03/2025
sur la demande de révision d'une ordonnance ex parte (R. 197.4 RdP)
REQUERANT (Défendeur à la procédure au principal)
VALINEA ENERGIE rue du Champ du Cerf 25200 Montbeliard
Représenté par Gaston VEDEL, cabinet Beau de Loménie
REPONDANT (Demandeur à la procédure au principal)
TIRU 7, rue du Dr Lancereaux 75008 Paris
Représenté par Cyrille AMAR, cabinet Amar Goussu Staub
BREVET LITIGIEUX
Numéro de brevet
Titulaire(s)
EP3178578
TIRU
JUGE QUI STATUE
COMPOSITION DE LA CHAMBRE - CHAMBRE REUNIE EN PLENIERE
Président et Juge rapporteur - Juge qualifié sur le plan juridique Juge qualifié sur le plan juridique
Camille Lignieres
Carine Gillet
Rute Lopes
LANGUE DE LA PROCEDURE : Français
ORDONNANCE
PARTIES EN PRÉSENCE
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- TIRU est le demandeur aux mesures de conservation des preuves (saisie et descente sur les lieux). Il s'agit d'une société française spécialisée dans la valorisation énergétique des déchets créée en 1922, à l'initiative de la ville de Paris. Cette société conçoit, construit et exploite des unités de traitement et de valorisation des déchets. TIRU est, depuis 2021, une filiale du Groupe PAPREC, groupe français spécialisé dans la gestion et la valorisation des déchets.
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- Dans la présente procédure, le requérant à la révision des mesures de conservation de preuves qui ont été ordonnées est VALINEA ENERGIE, une société française qui appartient au Groupe VEOLIA qui est un concurrent de PAPREC. Son activité principale est le traitement et l'élimination des déchets non dangereux. Elle s'est vue attribuer en 2022 par le Pays de Montbéliard agglomération un contrat de concession avec travaux en matière de traitement des déchets ménagers.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
MOTIFS
Sur le manquement au devoir de loyauté :
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- La Règle 192.3 RdP sur la demande de conservation des preuves exige que : « 3. Lorsque le requérant demande que des mesures de conservation des preuves soient ordonnées sans que l'autre partie (ci-après désignée « le défendeur ») soit entendue, la demande de conservation des preuves expose en outre les motifs pour ne pas entendre le défendeur eu égard notamment à la règle 197. Le requérant doit divulguer tout fait important dont il a connaissance et qui pourrait influencer la Juridiction dans sa décision de rendre ou non une ordonnance sans entendre le défendeur. »
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- Il est reproché à TIRU, qui a demandé une mesure ex-parte à l'égard de VALINEA, de ne pas avoir divulgué au juge de la saisie l'information selon laquelle ce dernier avait connaissance d'une antériorité destructrice de toutes le revendications indépendantes (n°1 à 5) et de la plupart des revendications dépendantes (au moins n° 2 à 9) du brevet, et ainsi avoir manqué à son devoir de loyauté.
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- VALINEA soutient à cet effet que TIRU a omis de préciser que les parties avait eu de nombreux échanges au sujet de l'offre de contrat de concession concernant le renouvellement du four dès l'année 2019 (pièces 8.1 à 8.5 de VALINEA) et que dans ce cadre TIRU a eu connaissance des informations techniques relatives au four historique (dit « four Laurent Bouillet » de 1987) faisant partie du DCE (pièces 6.1 à 6.4 de VALINEA) pour le projet de rénovation du four existant.
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- VALINEA relève enfin que TIRU n'a pas détaillé dans sa demande les raisons pour lesquelles cette dernière a finalement mis fin à ses échanges et n'a pas candidaté au projet de rénovation, alors que tout laisse penser que ce refus est lié à son rachat par le groupe PAPREC, concurrent direct du groupe VEOLIA.
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- TIRU, selon VALINEA, avait connaissance des caractéristiques du four originel, en sa qualité de successeur de son concepteur historique, la société Laurent Bouillet Ingénierie.
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- Or, VALINEA soutient qu'au vu des schémas figurant dans le manuel d'exploitation (pièce 6.1 de VALINEA) établi par la société Laurent Bouillet Ingénierie, l'ensemble des caractéristiques de la revendication principale n°1 du Brevet se retrouve donc dans l'ancien modèle de Four « Laurent Bouillet » 1987.
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- La revendication n°15 de procédé est dépourvue de nouveauté pour les mêmes raisons, ses caractéristiques étant en miroir de celles de la revendication n°1, et la circulation de l'air et des déchets étant indiquée par des flèches sur les schémas ci-dessus.
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- Dans sa réponse, TIRU conteste d'une part, avoir eu accès à toute la documentation technique notamment celle qui est restée confidentielle relative à l'ancien four, et d'autre part, le fait que l'ancien four antériorise son brevet EP'578.
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- Sans qu'il soit nécessaire de trancher le point de l'effective connaissance par le saisissant de toutes les pièces techniques relatives à l'ancien four, la Cour note que, comme l'a relevé justement à l'audience orale le représentant de TIRU, le juge de la saisie n'est pas le juge de la validité. Ainsi, il ne peut être ainsi exigé du titulaire du brevet, au stade de la demande de conservation des preuves, de répondre par anticipation aux possibles attaques sur la validité du brevet, sans préjudice, au stade du débat au fond, de discuter et de se déterminer sur une éventuelle demande en révocation du brevet.
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- En l'espèce, aucune des informations et renseignements communiqués par TIRU dans sa requête, ne sont contestés, justifiant qu'il est propriétaire du brevet EP'578, qu'aucune procédure d'opposition devant l'OEB était en cours ou qu'aucune juridiction n'était saisie d'une contestation sur la validité dudit brevet, notamment pour défaut de nouveauté, au jour de la demande en conservation des preuves.
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- En outre, TIRU a fait état dans sa requête du fait qu'il avait été « approché par VALINEA en 2021 pour préparer une réponse à l'appel d'offres de l'agglomération Pays de Montbéliard » (page 5, §11 et 12, sur la relation entre les parties) et n'a pas caché avoir été racheté par le groupe PAPREC en 2021 (page 3 de la requête, §6 sur la présentation de la requérante), ces informations étaient suffisantes pour que le juge de la saisie soit informé du contexte du marché dans lequel la requête intervenait.
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- Il en ressort que VALINEA échoue à démontrer un manquement au devoir de loyauté prévu par la Règle 192.3 RdP de la part de TIRU lors de la présentation de sa requête.
Sur le caractère injustifié de la procédure non contradictoire ( ex parte ) :
17 décembre 2024. Ce délai de deux mois apparait nécessaire, au cas d'espèce, afin d'exploiter la vidéo en ligne montrant les images du four allégué de contrefaçon et constituer un dossier suffisamment argumenté pour obtenir la demande de conservation des preuves et de descente sur les lieux. Au vu de ces éléments qui doivent être appréciés in concreto , un manque de diligence ou un défaut de célérité ne peut être légitimement reproché au demandeur.
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- Enfin, concernant le risque de perte de données numériques relatives notamment à la documentation technique du four, la Cour note que les mesures demandées par TIRU sur le site de VALINEA ne portaient pas seulement sur la saisie réelle de documents techniques numériques mais essentiellement sur la saisie descriptive du four allégué de contrefaçon. Le critère du risque de destruction des éléments de preuves a donc été apprécié globalement par le juge au vu du risque imminent de la mise en fonctionnement du four et aussi du risque de perte de la documentation technique susceptible d'être détenue numériquement sur le site de VALINEA. Ce n'est donc pas du seul fait que la documentation était sous format numérique que le risque de perte d'éléments de preuve a été caractérisé en l'espèce.
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- Il en ressort que le saisissant a suffisamment démontré l'existence d'un risque que les preuves ne soient plus disponibles ou soient impossibles à obtenir, tel que prévu par l'Article 60.5 AJUB et la Règle 197.1 RdP, justifiant que des mesures non contradictoires soient ordonnées.
Sur le caractère tardif de la demande :
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- VALINEA affirme que TIRU, dans un contexte de forte concurrence entre les parties, et du fait des discussions intervenues en 2021 pour la réponse à l'appel d'offre du Pays de Montbéliard Agglomération, a certainement réalisé une veille sur l'évolution du marché et les communications relatives à la rénovation du site. VALINEA fait état de publications sur les réseaux sociaux courant avril et juillet 2024 relatives au projet de l'existence du nouveau four sur le site de VALINEA. Elle affirme aussi que la vidéo objet du procès-verbal de constat du 11 octobre 2024 a été mise en ligne dès le 19 aout 2024 diffusée sur la chaine Youtube de Pays de Montbéliard Agglomération. Elle en déduit que TIRU a été informé de la situation avant le mois d'octobre 2024 et que ce dernier a lui-même créé artificiellement la situation d'urgence, en attendant le dernier jour avant la mise en service du four pour procéder aux mesures de conservation des preuves et descente sur les lieux, que le demandeur n'a donc pas agi avec la célérité requise.
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- La Cour note que les publications sur les réseaux sociaux antérieures à la vidéo sur Youtube, objet du procès-verbal de constat, ne donnaient pas d'informations très précises sur le four. En outre, ladite vidéo qui a été diffusée pour la première fois en août 2024, n'a pas fait l'objet de très nombreuses consultations (« 77 vues » cf pièce 2 à l'appui de la demande de saisie : procès-verbal de constat de TIRU) ce qui signifie qu'elle n'a pas bénéficié d'une très large diffusion. Dans ce contexte, il n'est pas démontré que TIRU en ait eu connaissance avant octobre 2024.
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- La Cour se réfère aux motifs développés supra concernant le caractère d'urgence nécessitant des mesures ex parte , le délai de deux mois pour constituer le dossier de demande en conservation des preuves apparaît raisonnable, il ne peut donc être reproché à TIRU le caractère tardif de sa requête, au vu de circonstances de l'espèce.
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- Par conséquent, aucun des arguments soulevés par VALINEA ne peut être retenu et sa demande tendant à la rétractation de la mesure critiquée devra être rejetée.
Sur la demande subsidiaire en révision :
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- VALINEA demande que le dépôt de garantie proposé par TIRU et ordonné par le juge pour un montant de 10.000 euros dans le dispositif de sa décision, soit révisé à la hausse en arguant du fait qu'une garantie de 50.000 euros serait appropriée au cas.
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- Conformément aux règles 196.3 et 196.6 RdP, la Juridiction peut ordonner une garantie appropriée pour les frais de justice et autres dépenses exposés ou susceptibles d'être exposés par le défendeur.
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- VALINEA ne justifie nullement d'une fragilité financière de TIRU qui justifierait une garantie d'un montant supérieur à 10.000 euros. En outre, cette garantie concerne la seule mesure de conservation des éléments de preuves dont la confidentialité a été assurée dès l'exécution des mesures puisque l'accès restreint a minima aux représentants des parties a été prévu dans l'ordonnance de saisie. Rien n'empêche VALINEA de solliciter une garantie plus adaptée dans le cadre des actions au fond qui ont suivi les saisies.
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- Pour ces raisons, la demande en révision devra être rejetée.
PAR CES MOTIFS
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- La Cour ordonne que soit rejetées les demandes de VALINEA ENERGIE en rétractation et en révision de l'ordonnance de conservation des preuves et descente sur les lieux rendue le 23 décembre 2024,
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- Dit que la présente ordonnance est susceptible d'appel dans les conditions prévues par l'Article 73.2 (a) AJUB et les règles 220.1 (c), 224.2 (b) RdP.
Rendue à Paris, le 24 mars 2025.
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C. Lignières, Juge-Président
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C. Gillet, Juge qualifié sur le plan juridique
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R. Lopes, Juge qualifié sur le plan juridique
DETAILS DE L'ORDONNANCE
Ordonnance nº ORD_13139/2025 dans l'ACTION Nº: 66573/2024 UPC nº : UPC_CFI_814/2024 Type d'action : Demande d'ordonnance de saisie et de descente sur les lieux au titre des règles 192 et s. et R. 199 du règlement de procédure
Procédure connexe n°10546/2025
Type de demande : Demande de révision d'une ordonnance ex parte (R. 197.4 RdP)
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