24 March, 2025
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Order
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ORD_9276/2025
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Paris (FR) Local Div…
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EP3178578
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Division Locale de Paris
UPC_CFI_813/2024
Ordonnance
du Tribunal de première instance de la Juridiction unifiée du brevet, rendue le 24/03/2025
sur la demande de révision d'une ordonnance ex parte (R. 197.4 RdP)
REQUERANT (Défendeur à la procédure au principal)
MAGUIN SAS 2, rue Pierre Semard 02800 - Charmes - FR
Représenté par Olivier DELPRAT, cabinet Casalonga
REPONDANT (Demandeur à la procédure au principal)
TIRU 75008 Paris
7, rue du Dr Lancereaux
Représenté par Cyrille AMAR, cabinet Amar Goussu Staub
BREVET LITIGIEUX
Numéro de brevet
Titulaire(s)
EP3178578
TIRU
JUGE QUI STATUE
COMPOSITION DE LA CHAMBRE - CHAMBRE REUNIE EN PLENIERE
Président et Juge rapporteur - Juge qualifié sur le plan juridique Juge qualifié sur le plan juridique
Camille Lignieres
Carine Gillet
Rute Lopes
LANGUE DE LA PROCEDURE : Français
ORDONNANCE
PARTIES EN PRÉSENCE
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- TIRU est le demandeur aux mesures de conservation des preuves (saisie et descente sur les lieux). Il s'agit d'une société française spécialisée dans la valorisation énergétique des déchets créée en 1922, à l'initiative de la ville de Paris. Cette société conçoit, construit et exploite des unités de traitement et de valorisation des déchets. TIRU est, depuis 2021, une filiale du Groupe PAPREC, groupe français spécialisé dans la gestion et la valorisation des déchets.
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- Dans le cadre de la présente procédure, MAGUIN est le requérant à la révision des mesures de conservation de preuves qui ont été ordonnées. Il s'agit d'une société française qui développe et produit notamment des fours rotatifs adaptés à différentes applications, dont l'incinération de déchets industriels.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
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- TIRU est titulaire du brevet européen EP 3 178 578 B1 délivré le 1/08/2018 (ci-après « EP'578 »), intitulé « Installation d'incinération de déchets et procédé associé ».
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- Il a été justifié que ce brevet est en vigueur et couvre la France, le Royaume-Uni et la Pologne.
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- Le brevet EP'578 concerne une technologie mise en œuvre dans un four d'incinération de déchets. Il protège à la fois une installation d'incinération de déchets et un procédé associé.
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- Le 17 décembre 2024, TIRU a déposé devant la division locale de Paris de la JUB en parallèle deux demandes de conservation des preuves et de descente sur les lieux fondées sur son brevet EP'578, l'une à l'égard de VALINEA ENERGIE et l'autre à l'égard de MAGUIN, et ce, avant toute procédure au fond.
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- A l'appui de ses demandes, TIRU a exposé que, par une vidéo YOUTUBE de l'Agglomération du Pays de Montbéliard, elle avait été informée courant octobre 2024 de l'installation d'un four d'incinération, fabriqué par MAGUIN et exploité sur le site de VALINEA ENERGIE, qui lui apparaissait contrefaire les caractéristiques de son brevet EP'578, qu'une saisie et une descente sur les lieux par un expert judiciaire étaient nécessaires pour lui permettre de confirmer la reproduction des caractéristiques et qu'il était justifié que ces mesures soient ordonnées ex-parte.
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Le 23 décembre 2024, deux ordonnances ont été rendues ex-parte autorisant les mesures de conservation des preuves demandées, en limitant le périmètre des mesures sollicitées à la recherche de la caractérisation de la contrefaçon. (Ordonnances nº ORD_67654/2024 UPC nº : UPC_CFI_814/2024 et nº ORD_67655/2024UPC nº : UPC_CFI_813/2024.)
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- Les mesures de saisie ont été exécutées le 14 janvier 2025 simultanément sur le site de MAGUIN, le fabricant du four allégué de contrefaçon (2 rue Pierre Sémard - 02800, à Charmes, France), et sur le site de VALINEA ENERGIE, l'exploitant dudit four (rue du Champ du Cerf - 25200 Montbéliard, France).
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- Les rapports écrits des experts désignés respectivement pour chaque saisie ont été déposés le 20 et le 21 janvier 2025. La confidentialité des documents et informations saisis a été protégée par la mise en place d'un cercle de confidentialité restreint aux seuls représentants de chacune des parties.
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- Ces documents saisis ont ensuite fait l'objet d'une opération de tri sous l'égide d'un expert désigné par la Cour. Les documents et informations dits confidentiels au sens de l'Article 58 AJUB et de la Règle 262A du règlement de procédure JUB (RdP) sont à ce jour accessibles seulement par les membres d'un cercle de confidentialité élargi à la « legal team » et deux personnes physiques pour chacune des entreprises désignées par ordonnance du 6 mars dernier.
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- Par requête du 12 février 2025, MAGUIN a sollicité la rétractation des mesures de saisie et de descente sur les lieux, en se fondant sur les points suivants :
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- l'absence de risque de destruction des preuves,
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- le fait que TIRU ait caché volontairement des informations de nature à influencer le prononcé des mesures ex-parte (ce qui revient au manque de loyauté reproché par VALINEA).
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- Conformément à la Règle 197.4 RdP, une audience pour examiner la demande de révision s'est tenue en personne dans les locaux de la Division locale de Paris le 10 mars 2025, les représentants de chacune des parties ont exposé oralement leurs arguments devant le panel des juges.
MOTIFS
Sur le manquement au devoir de loyauté :
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- La Règle 192.3 RdP sur la demande de conservation des preuves exige que : « 3. Lorsque le requérant demande que des mesures de conservation des preuves soient ordonnées sans que l'autre partie (ci-après désignée « le défendeur ») soit entendue, la demande de conservation des preuves expose en outre les motifs pour ne pas entendre le défendeur eu égard notamment à la règle 197. Le requérant doit divulguer tout fait important dont il a connaissance et qui pourrait influencer la Juridiction dans sa décision de rendre ou non une ordonnance sans entendre le défendeur. »
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- Il est reproché à TIRU, qui a demandé une mesure ex-parte à l'égard de MAGUIN, de ne pas avoir divulgué au juge de la saisie l'information selon laquelle ce dernier avait connaissance d'une antériorité destructrice de toutes les revendications de son brevet EP'578, et ainsi avoir manqué à son devoir de loyauté.
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- MAGUIN soutient à cet effet que TIRU avait parfaitement conscience du fait que le four originel sur le site d'incinération des ordures ménagères de Montbéliard dit « Four Laurent Bouillet » conçu en 1987 divulguait les caractéristiques de son brevet EP'578.
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- MAGUIN ajoute que TIRU avait connaissance des documents techniques de l'ancien four qui a été conçu par LAURENT BOUILLET INGENIERIE, en ce que TIRU a succédé à cette société après sa liquidation. MAGUIN ajoute que TIRU a participé à de nombreux échanges avec la société VALEST (remplacée ultérieurement par VALINEA) sur la rénovation de l'ancien four courant 2019.
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- Dans sa réponse, TIRU conteste d'une part, avoir eu accès à toute la documentation technique notamment celle qui est restée confidentielle relative à l'ancien four, et d'autre part, le fait que l'ancien four antériorise son brevet EP'578.
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- Sans qu'il soit nécessaire de trancher le point de l'effective connaissance par le saisissant de toutes les pièces techniques relatives à l'ancien four, la Cour note que, comme l'a relevé justement à l'audience orale le représentant de TIRU, le juge de la saisie n'est pas le juge de la validité. Ainsi, il ne peut être ainsi exigé du titulaire du brevet, au stade de la demande de conservation des preuves, de répondre par anticipation aux possibles attaques sur la validité du brevet, sans préjudice, au stade du débat au fond, de discuter et de se déterminer sur une éventuelle demande en révocation du brevet.
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- En l'espèce, aucune des informations et renseignements communiqués par TIRU dans sa requête, ne sont contestés, justifiant qu'il est propriétaire du brevet EP'578, qu'aucune procédure d'opposition devant l'OEB était en cours ou qu'aucune juridiction n'était saisie d'une contestation sur la validité dudit brevet, notamment pour défaut de nouveauté, au jour de la demande en conservation des preuves.
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- Il en ressort que MAGUIN échoue à démontrer un manquement au devoir de loyauté prévu par la Règle 192.3 RdP de la part de TIRU lors de la présentation de sa requête.
Sur l'absence de risque de destruction des preuves justifiant une mesure ex parte :
Sur le défaut d'urgence :
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- MAGUIN affirme qu'il n'y avait aucune urgence à son égard pour ordonner les mesures, en faisant valoir que le four allégué de contrefaçon n'était pas dans ses locaux, et les opérations de constat auraient pu être menées chez elle n'importe quand, que ce four soit mis en route ou non.
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- MAGUIN ajoute que TIRU en tant que professionnel dans un marché très concurrentiel, avait nécessairement eu connaissance de la vidéo sur Youtube, objet du procès-verbal de constat d'octobre 2024, dès sa première diffusion en août 2024.
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- Comme cela a été dit plus haut, c'est justement dans le contexte d'un marché extrêmement concurrentiel que l'efficacité des mesures demandées a justifié une exécution des mesures de manière simultanée sur les deux sites (cf. UPC_CFI_813/2024, LD Paris, 23 décembre 2024, page 7).
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- Concernant la supposée connaissance de la vidéo Youtube par TIRU à une date antérieure à octobre 2024, la Cour note que même s'il est établi une première publication sur les réseaux sociaux en août 2024, cette vidéo n'a pas fait l'objet de très nombreuses consultations (« 77 vues » cf pièce 2 : procès-verbal de constat de TIRU), ce qui signifie qu'elle n'a pas bénéficié d'une très large diffusion. Dans ce contexte, il n'est pas démontré que TIRU en ait eu connaissance avant octobre 2024.
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- La demande de TIRU a été déposée deux mois après, soit, le 17 décembre 2024. Or, un délai de deux mois pour constituer le dossier de demande en conservation des preuves apparaît raisonnable, le demandeur à la saisie a en effet l'obligation au vu de l'Article 60.1 de l'AJUB de présenter des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles son brevet a été contrefait ou qu'une contrefaçon est imminente.
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- Au regard de ces éléments et dans le contexte des deux demandes de saisie concomitantes, le caractère d'urgence standard tel qu'analysé par le juge de la saisie, qui a d'ailleurs rejeté la situation « d'extrême urgence » alléguée par le demandeur, a été suffisamment caractérisé dans l'ordonnance contestée.
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- Par conséquent, aucun des arguments soulevés par MAGUIN ne peut être retenu et sa demande tendant à la rétractation de la mesure critiquée devra être rejetée.
PAR CES MOTIFS
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- La Cour ordonne que soit rejetée la demande de MAGUIN en rétractation de l'ordonnance de conservation des preuves et descente sur les lieux rendue le 23 décembre 2024,
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- Dit que la présente ordonnance est susceptible d'appel dans les conditions prévues par l'Article 73.2 (a) AJUB et les règles 220.1 (c), 224.2 (b) RdP.
Rendue à Paris, le 24 mars 2025.
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C. Lignières, Juge-Président
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C. Gillet, Juge qualifié sur le plan juridique
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R. Lopes, Juge qualifié sur le plan juridique
DETAILS DE L'ORDONNANCE
Ordonnance nº ORD_9276/2025 dans l'ACTION Nº: 66560/2024 UPC nº : UPC_CFI_813/2024 Type d'action : Demande d'ordonnance de saisie et de descente sur les lieux au titre des règles 192 et s. et 199 du règlement de procédure
Procédure connexe n° 7220/2025
Type de demande : Demande de révision d'une ordonnance ex parte (R. 197.4 RdP)
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