
Division Locale de Paris
UPC_CFI_363/2024 Ordonnance de procédure du Tribunal de première instance de la Juridiction unifiée du brevet, rendue le 19/06/2025
REQUERANT - DEFENDEUR AU PRINCIPAL
GISELA MAYER GmbH Litzelsdorfer Straße 3 87700 Memmingen DE
REPONDANT - DEMANDEUR AU PRINCIPAL
N.J DIFFUSION SARL 44 Rue Paul Valéry
75016 - PARIS - FR
Représenté par Frédéric PORTAL
Représenté par Catherine MATEU
BREVET LITIGIEUX
Numéro de brevet |
Titulaire |
EP2404516 |
NJ DIFFUSION SARL |
COMPOSITION DE LA CHAMBRE - CHAMBRE REUNIE EN PLENIERE
Président, Juge rapporteur -
Camille Lignieres
Juge qualifié sur le plan juridique Juge qualifié sur le plan juridique
Carine Gillet
Stefan Schilling
LANGUE DE LA PROCEDURE : Français
ORDONNANCE
FAITS ET PROCÉDURE
Une acƟon en contrefaçon devant la Division locale de Paris a été iniƟée par N.J DIFFUSION (ci -après « NJ ») à l'égard de GISELA MAYER (ci-après « GM ») en date du 1 er juillet 2024.
L'audience orale a été fi xée au 20 juin 2025.
Par jugement du 5 juin 2025, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au pro fi t de la société N.J DIFFUSION.
Par mémoire du 12 juin 2025, NJ a demandé l'intervenƟon volontaire de Me Bloch ès qualités d'administrateur judiciaire de la société NJ avec une mission d'assistance et de Me Florence Daudé ès qualités mandataire judiciaire.
Par requête du 13 juin 2025, GM sollicite du Tribunal qu'il soit :
I. Ordonné à la Demanderesse de fournir une garanƟe pour les frais de jusƟce et autres dépenses engagées ou à engager par la Défenderesse, à hauteur de €50.000 (cinquante mille euros), et ce par dépôt sur le compte de la JuridicƟon ou par présentaƟon d'un e garanƟe à première demande émise par un établissement bancaire établi dans l'Union Européenne, dans un délai d'un mois à compter de l'ordonnance à intervenir (R. 158. RdP).
II. Ordonné le report de l'audience orale du 20 juin 2025 à une date ultérieure à fi xer après que la Demanderesse aura fourni la garanƟe appropriée (Art. 41, paragraphe 3, et 42 AJUB).
III. Dit que si la Demanderesse s'absƟent de fournir la garanƟe appropriée dans le délai indiqué, la JuridicƟon rendra à son encontre une décision par défaut rejetant l'acƟon en contrefaçon ACT_39091/2024 (R. 158.5, 355.1 a) RdP).
IV. Dit que les Demandeurs en intervenƟon volontaire seront solidairement tenus avec la Demanderesse par l'ordonnance à intervenir si leur intervenƟon demandée sous le numéro d'A ff aire App_28272/2025 en date du 13 juin 2025 est déclarée recevable.
V. À Ɵtre subsidiaire, en cas de rejet des demandes I, II, III et/ou IV ci -dessus, autorisé la Défenderesse à interjeter appel de la décision à intervenir (Art. 73 UPCA, R. 220.2. RdP).
Le juge-rapporteur se réfère au panel pour traiter de la présente requête, conformément à la règle 331.2 RdP.
CADRE LÉGAL
Règle 311 RdPInsolvabilité d'une parƟe
« 1. Si une parƟe est déclarée insolvable selon la loi applicable en maƟère de procédure d'insolvabilité, la JuridicƟon suspend la procédure jusqu'à trois mois. La procédure peut être suspendue jusqu'à ce que l'autorité naƟonale compétente ou la person ne traitant l'insolvabilité ait décidé de
poursuivre ou non la procédure. Si l'autorité naƟonale compétente ou la personne traitant l'insolvabilité décide de ne pas poursuivre la procédure, la JuridicƟon peut décider, sur requête moƟvée de l'autre parƟe, que la procédure devrait se poursuivre conformément au droit naƟonal applicable en maƟère d'insolvabilité.
(…)
Si la procédure se poursuit, l'effet d'une décision de la JuridicƟon concernant la parƟe insolvable est déterminé par la loi applicable en maƟère de procédure d'insolvabilité »
La règle 311 RdP renvoie donc expressément au droit naƟonal applicable aux entreprises en difficulté et donc en l'occurrence au droit naƟonal français des procédures collecƟves applicable à NJ qui est une société de droit français.
L'arƟcle L. 622 -21 du Code de commerce français prévoit que : « I - Le jugement d'ouverture « interrompt » ou interdit toute acƟon en jusƟce de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas menƟonnée au I de l'arƟcle L. 622 -17 et tendant :
A la condamnaƟon du débiteur au paiement d'une somme d'argent;
A la résoluƟon d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II Sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est menƟonnée au I de l'arƟcle L. 622 -17, le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécuƟon tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distrib uƟon n'ayant pas produit un effet aƩribuƟf avant le jugement d'ouverture.
III Les délais imparƟs à peine de déchéance ou de résoluƟon des droits sont en conséquence interrompus.
IV Le même jugement interdit également de plein droit, tout accroissement de l'assieƩe d'une sûreté réelle convenƟonnelle ou d'un droit de rétenƟon convenƟonnel, quelle qu'en soit la modalité, par ajout ou complément de biens ou droits, notamment par inscripƟon de Ɵtres ou de fruits et produits venant compléter les Ɵtres figurant au compte menƟonné à l'arƟcle L. 211 -20 du code monétaire et fi nancier, ou par transfert de biens ou droits du débiteur.
Toute disposiƟon contraire, portant notamment sur un transfert de biens ou droits du débiteur non encore nés à la date du jugement d'ouverture, est inapplicable à compter du jour du prononcé du jugement d'ouverture ».
L'arƟcle L. 622 -22 du Code de commerce français prévoit que : « Sous réserve des disposiƟons de l'arƟcle L. 625 -3, les instances en cours sont « interrompues » jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaraƟon de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur « ou le commissaire à l'exécuƟon du plan nommé en applicaƟon de l'arƟcle L. 626 -25 » dûment appelés, mais tendent uniquement à la constataƟon des créances et à la fixaƟon de leur montant ».
MOTIFS
Sur l'intervenƟon volontaire des organes de la procédure collecƟve
Par jugement rendu le 5 juin 2025, le Tribunal des a ff aires économiques de Paris a ouvert une procédure collecƟve à l'égard de NJ, placée en redressement judiciaire.
Par mémoir e en intervenƟon volontaire du 13 juin 2025, l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire ont sollicité d'intervenir volontairement à la présente procédure.
Le représentant de GM, entendu sur ceƩe requête lors de la réunion en ligne organisée par le Juge -rapporteur Lignières le 17 juin 2025, ne s'est pas opposé à ceƩe intervenƟon volontaire.
Il convient donc d'admeƩre ladite intervenƟon volontaire conformément aux règles 313 et s. RdP . Il sera statué sur les conséquences de ceƩe intervenƟon volontaire dans la décision au fond à intervenir.
Sur la déclaraƟon de créances de GM correspondant à ses demandes reconvenƟonnelles en paiement
Si au cours d'une instance introduite par le débiteur, le créancier a formulé une demande reconvenƟonnelle en paiement avant le jugement d'ouverture, l'arƟcle L. 622 -22 du Code de commerce s'applique. En e ff et, l'origine de la créance se trouve dans la formulaƟon de ses demandes reconvenƟonnelles en jusƟce.
En l'espèce, GM jusƟfie avoir, conformément à l'arƟcle R. 622 -20 du Code de commerce, déclaré les créances correspondant à ses demandes reconvenƟonnelles en paiement de sommes.
Le représentant de NJ conteste les sommes objet de ceƩe déclaraƟon, néanmoins, la vérificaƟon des sommes déclarées n'est pas de la compétence du juge saisi au fond dans la présente acƟon, mais relève des instances de la procédure collecƟve, et notamme nt du juge commissaire.
Le panel ne peut que constater que la reprise de la présente instance est rendue possible du fait de ceƩe déclaraƟon des créances correspondant aux demandes reconvenƟonnelles de GM à l'encontre de NJ, conformément à l'arƟcle R. 622-20 du Code de commerce français.
Sur la requête en garanƟe (R. 158 RdP) de GM
Par requête datée du 13 juin 2025, GM sollicite que soit ordonnée une garanƟe pour les frais de jusƟce et autres dépenses engagées par le défendeur, à hauteur de 50.000 euros, selon les condiƟons précisées dans sa requête et ordonner le report de l'audi ence du 20 juin 2025 après que la demanderesse aura fourni ceƩe garanƟe, et à Ɵtre subsidiaire, en cas de rejet, autoriser la défenderesse à interjeter appel de la décision.
Le représentant de NJ soulève l'irrecevabilité de la demande en faisant valoir qu'une telle garanƟe ne peut être prononcée à l'égard d'un débiteur en redressement judiciaire et sur le fond que cela aggraverait ses di ffi cultés fi nancières actuelles, et le priverait même de l'accès au juge.
GM répond en invoquant d'une part, une aƫtude frauduleuse de la part du débiteur lors des débats sur sa situaƟon financière lors de l'examen de sa première requête en garanƟe sur R. 158 RdP qui a été rejetée, et en faisant valoir que la présente juridi cƟon est compétente pour statuer sur sa requête en garanƟe du 13 juin 2025 car cela permeƩrait la poursuite de l'acƟon.
NJ réplique que la JUB n'a pas compétence pour trancher sur l'existence d'une fraude et que ceƩe quesƟon relève du seul juge de la procédure collecƟve.
Sur la fraude du débiteur alléguée par GM
S'il s'agit de la fraude du débiteur tels que l'appauvrissement volontaire ou l'avantage de certains créanciers pendant la période suspecte pouvant jusƟfier l'annulaƟon de certains actes, seul le juge de la procédure collecƟve peut statuer sur ceƩe dem ande.
En revanche, s'il s'agit de l'appréciaƟon du comportement du débiteur qui pourrait être qualifié de manœuvres frauduleuses pour tromper le juge sur l'appréciaƟon de sa situaƟon financière, cela consƟtue un fait juridique que le juge de la JUB pourrait prendre en compte dans son examen d'une requête en garanƟe selon R. 158 RdP. Toutefois, l' aƫtude frauduleuse telle qu'invoquée par GM ne peut être présumée. En l'espèce, le panel constate, comme le relève NJ, que dans les débats ayant suivi la première requête en garanƟe formée par GM sur le fondement de R. 158 RdP, l'aƩestaƟon de l'expert-comptable indiquant que NJ avait la capacité fi nancière de payer la somme de 50.000 euros au Ɵtre des frais de GM est datée du 4 avril 2025, soit antérieurement à la date de cessaƟon de paiement telle qu'indiquée dans le jugement d'ouverture de redressement judiciaire au 14 mai 2025, et considère que la situaƟon fragilisée d'une société telle que d'ailleurs présentée dans les écritures du demandeur peut en quelques semaines s'aggraver par la défaillance d'un fournisseur. Il n'est donc pas démontré l'existence de manœuvres frauduleuses du débiteur desƟnées à tromper la Cour en charge de statuer sur la première demande en garanƟe de GM.
Sur la recevabilité de la requête en garanƟe du 13 juin
GM souƟent que sa requête en garanƟe est recevable et bien fondée car ceƩe garanƟe est uƟle à la poursuite de la procédure.
Cependant, le panel note, d'une part, que ceƩe garanƟe judiciaire prévue par R. 158 RdP ne condiƟonne pas la poursuite de l'acƟon devant la JUB puisque seules la mise en cause des organes de la procédure collecƟve et la déclaraƟon des créances au passif de la procédure consƟtuent les condiƟons sine qua non de la reprise de l'acƟon en cours, et d'autre part, que l'octroi de ceƩe garanƟe judiciaire au pro fi t d'un des créanciers du débiteur en redressement judiciaire irait à l'encontre du principe d'égalité des créanciers qui gouverne le droit des procédures collecƟves en droit français.
Par conséquent, le panel considère que la requête en garanƟe de GM sur le fondement de R. 158 RdP, formée postérieurement à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de NJ, n'est pas admissible.
Sur la demande d'autorisaƟon d'appel
Les circonstances de l'espèce ne jusƟfient pas que GM soit autorisée à interjeter appel de la présente ordonnance.
PAR CES MOTIFS
Le panel constate la poursuite de l'instance au fond iniƟée par NJ DIFFUSION devant la présente juridicƟon ,
RejeƩe la demande de report de l'audience du 20 juin 2025 ,
Dit inadmissi ble la demande en garanƟe de G isela MAYER formée après le redressement judiciaire de NJ DIFFUSION,
RejeƩe la demande en autorisaƟon d'interjeter appel à ce stade de la procédure et rappelle que ceƩe ordonnance est suscepƟble d'appel dans les condiƟons prévues par R . 220.2 RdP.
Rendue à Paris, le 19 juin 2025.
C. LIGNIERES, Juge-rapporteur
C. GILLET, Juge quali fi é sur le plan juridique
S. SCHILLING, Juge quali fi é sur le plan juridique
DETAILS DE L'ORDONNANCE
Ordonnance n°ORD_29278/2025 dans l'ACTION Nº: ACT_39091/2024 UPC nº : UPC_CFI_363/2024 Type d'action: Action en contrefaçon Procédure connexe n° Numéro de la demande: 28441/2025 Type de demande: Demande procédurale générique (garantie R 158 RdP)