
Division Locale de Paris
UPC_CFI_132/2025 Ordonnance de procédure du Tribunal de première instance de la Juridiction unifiée du brevet, rendue le 22/07/2025
REQUERANT (Demandeur à la procédure au principal)
TIRU 7, rue du Dr Lancereaux
75008 Paris
Représenté par Cyrille AMAR, cabinet Amar Goussu Staub
REPONDANT (Défendeur à la procédure au principal)
MAGUIN SAS 2, rue Pierre Semart 02800 - Charmes
Représenté par Olivier DELPRAT, cabinet Casalonga
BREVET LITIGIEUX
Numéro de brevet
Titulaire(s)
EP3178578
TIRU
COMPOSITION DU PANEL
Président et Juge - rapporteur Juge qualifié sur le plan juridique Juge qualifié sur le plan juridique Juge qualifié sur le plan technique
Camille Lignieres Carine Gillet Rute Lopes Renaud Fulconis
LANGUE DE LA PROCEDURE : Français
ORDONNANCE
Faits et procédure :
Une ordonnance de préservation de preuves a été rendue le 23 décembre 2024 par la présente division à la demande de TIRU à l'encontre de MAGUIN sur le fondement du brevet EP 3 178 578 intitulé « Installation d'incinération de déchets et procédé associé » (ci-après « EP 578) ».
Ces mesures de préservation de preuves ont fait l'objet d'un recours en révision par le panel lequel a rejeté la demande en révision, ainsi que d'un appel devant la Cour d'appel de Luxembourg qui a, par ordonnance du 15 juillet dernier, rejeté l'appel interjeté par MAGUIN.
En parallèle, une procédure de préservation des preuves a été menée par TIRU à l'encontre de l'exploitant du four d'incinération allégué de contrefaçon, la société VALINEA ENERGIE.
TIRU a initié une action en contrefaçon au fond devant la présente division en date du 18 février 2025, à l'encontre de MAGUIN. En parallèle, une action en contrefaçon au fond a été menée à l'encontre de l'exploitant du four d'incinération allégué de contrefaçon, la société VALINEA ENERGIE (ACT_7999/2025 : Action en contrefaçon TIRU c. MAGUIN et ACT_7950/2025 : Action en contrefaçon TIRU c. VALINEA ENERGIE).
Le 13 mai 2025, la société VEOLIA PROPRETE (ci-après « VEOLIA »), en sa qualité de concédant à l'exploitation dudit four, a initié une action en révocation du brevet EP 578 à l'encontre de TIRU devant la Division Centrale de Paris (ACT_22178/2025).
Le 3 juin 2025, dans le cadre de l'action en contrefaçon devant la présente Division, MAGUIN a déposé son mémoire en défense ainsi qu'une demande reconventionnelle en révocation du brevet EP 578.
Par requête du 26 juin 2025, TIRU a sollicité auprès du juge rapporteur :
-un renvoi des demandes reconventionnelles en nullité CC_27246/2025 (VALINEA ENERGIE) et CC_28259/2025 (MAGUIN) du brevet EP 578 devant la Division centrale de Paris déjà saisie d'une action en nullité ACT_22178/2025 ;
-une jonction des actions en contrefaçon ACT_7950/2025 (VALINEA ENERGIE) et ACT_7999/2025 (MAGUIN) du brevet EP 578 devant la Division locale de Paris.
Si le renvoi des demandes reconventionnelles en nullité est prononcé,
-un sursis à statuer dans l'affaire de contrefaçon en attendant la décision de la Division centrale de Paris.
MAGUIN a répliqué par commentaires écrits du 2 juillet 2025, en sollicitant de :
Vu l'article 33.3 de l'Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet,
Vu les Règles 302.3 et 340 du Règlement de procédure,
-REJETER la demande de renvoi de la demande reconventionnelle en nullité N°CC_28259/2025 (MAGUIN) du brevet EP 578 devant la Division centrale de Paris déjà saisie d'une action en nullité ACT_22178/2025, présentée par VEOLIA PROPRETE ;
-ORDONNER la jonction des actions en contrefaçon ACT_7950/2025 (VALINEA ENERGIE) et ACT_7999/2025 (MAGUIN) du brevet EP 578 devant la Division locale de Paris.
Dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande de renvoi de la demande reconventionnelle en nullité :
-PRONONCER, si la Division locale l'estime opportun, un sursis à statuer ou un aménagement du calendrier, dans l'affaire de contrefaçon ACT_7999/2025 dans l'attente de la décision de la Division centrale ;
-ORDONNER à TIRU, demandeur audit renvoi, de déposer son mémoire en réplique dans le cadre de l'action en contrefaçon au plus tard le 13 août 2025.
Une réunion de mise en état a été organisée par le juge rapporteur en date du 4 juillet 2025 au cours de laquelle les parties ont exposé leurs arguments respectifs à l'appui de leur requête et commentaires en réponse et ont maintenu les positions adoptées à l'écrit.
MOTIFS
Sur la jonction des deux actions en contrefaçon
Le demandeur (TIRU) fonde sa demande en jonction sur la règle 340 RdP, cependant, il convient de requalifier la base légale de sa demande, c'est en effet la règle 302 RdP qu'il convient d'appliquer dans notre cas.
Règle 302 - Pluralité des demandeurs ou des brevets :
(…)
La Juridiction peut ordonner, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la jonction de procédures parallèles en contrefaçon ou en nullité concernant le même brevet (ou les mêmes brevets) pendantes devant la même division locale ou régionale ou devant la division centrale ou devant la Cour d'appel.
En l'espèce, le panel considère que s'agissant de deux actions menées en parallèle sur le fondement du même brevet, concernant le même produit allégué de contrefaçon (le four d'incinération fabriqué et fourni par MAGUIN, exploité par VALINEA), au vu des arguments développés en défense qui sont très similaires, au vu également des mesures de préservation de preuves qui ont été menées en parallèle et qui ont fait l'objet de critiques quasiment identiques en défense, il est d'une bonne administration d'examiner les deux affaires ensemble et pour ce faire d'en ordonner la jonction. L'affaire au principal sera donc poursuivie au fond et sous un même numéro No. ACT_7950/2025 UPC_CFI_130/2025.
.
Sur la bifurcation de la demande reconventionnelle en révocation du brevet en cause et la demande en sursis à statuer sur les demandes en contrefaçon
Le cadre juridique :
Art. 33.3 b) AJUB :
(…)
Une demande reconventionnelle en nullité visée à l'article 32, paragraphe 1, point e), peut être introduite dans le cadre d'une action en contrefaçon visée à l'article 32, paragraphe 1, point a). Après avoir entendu les parties, la division locale ou régionale concernée, a la faculté:
a) soit de statuer tant sur l'action en contrefaçon que sur la demande reconventionnelle en nullité et de demander au président du tribunal de première instance l'affectation, conformément à l'article 18, paragraphe 3, d'un juge qualifié sur le plan technique issu du pool de juges et ayant des qualifications et une expérience dans le domaine technique concerné;
b) soit de renvoyer la demande reconventionnelle en nullité devant la division centrale pour décision et de suspendre l'action en contrefaçon ou de statuer sur celle-ci; ou
c) soit, avec l'accord des parties, de renvoyer l'affaire devant la division centrale pour décision.
Règle 37 - Application de l'article 33, § 3, de l'Accord :
(..)
Lorsque la chambre décide de procéder conformément à l'article 33, § 3, point b), de l'Accord, la chambre peut surseoir à statuer sur la procédure en contrefaçon dans l'attente d'une décision définitive dans la procédure en nullité ; elle doit surseoir à statuer sur la procédure en contrefaçon
lorsque la probabilité est grande que les revendications pertinentes du brevet soient déclarées nulles pour quelque motif que ce soit par la décision définitive dans la procédure en nullité.
Lorsque la chambre décide de procéder conformément à l'article 33, § 3, point b), de l'Accord et de ne pas surseoir à statuer, le juge-rapporteur de la division régionale ou locale communique à la division centrale les dates fixées pour la conférence de mise en état et pour l'audience conformément à la règle 28.
Le cas présent :
Selon TIRU, les demandes reconventionnelles étant la reprise pure et simple des moyens et prétentions développés par VEOLIA PROPRETE dans son mémoire en nullité devant la Division centrale de Paris, il serait conforme aux règles de la JUB d'en ordonner le renvoi pour que ces dernières soient examinées par la Division centrale déjà saisie de l'action en révocation du même brevet par VEOLIA (qui fait partie du même groupe que VALINEA et qui ont le même représentant dans les deux affaires).
Les défendeurs (VALINEA et MAGUIN) s'opposent à cette demande de bifurcation concernant leurs demandes reconventionnelles en nullité en faisant valoir que :
il n'existe aucun risque de contradiction des décisions susceptibles d'intervenir dans le cadre des actions en contrefaçon pendantes devant la Division Locale de Paris (ACT_7999/2025 et ACT_7950/2025) et de l'action en nullité pendante devant la Division Centrale de Paris (ACT_22178/2025) puisque l'action en nullité pendante devant la Division Centrale de Paris devrait aboutir à une décision au fond avant les actions en contrefaçon (incluant les demandes reconventionnelles en nullité) pendantes devant la Division Locale de Paris,
-la poursuite en parallèle des actions en contrefaçon et de l'action en nullité n'aboutira pas à une charge de travail supplémentaire importante pour les parties dans la mesure où les demandes et arguments soulevées par les sociétés VEOLIA PROPRETE (dans le cadre de l'action en nullité) et VALINEA ENERGIE (dans le cadre de sa demande reconventionnelle, formée dans le cadre de l'action en contrefaçon) sont les mêmes,
-une telle jonction des demandes reconventionnelles en nullité et de l'action en nullité devant la Division Centrale aboutirait à ralentir considérablement ladite action en nullité, dans la mesure où la société MAGUIN n'est pas encore partie à cette procédure et qu'elle n'a donc pas encore eu l'opportunité de produire de mémoire afin de défendre sa position dans le cadre de cette action distincte, alors même que chacune des parties aura déposé un mémoire.
VALINEA ajoute que TIRU ayant annoncé qu'elle demanderait une modification de son brevet de manière inconditionnelle, alors la jonction sollicitée par la société TIRU causerait un préjudice important à :
-d'une part, la société VEOLIA PROPRETE, en ce que cette jonction ralentirait considérablement l'action en nullité qu'elle a initiée devant la Division Centrale afin de voir annuler le brevet de la société TIRU, que cette dernière considère elle-même comme nul en l'état ;
-d'autre part, la société VALINEA ENERGIE, dans la mesure où cette jonction la priverait d'une interprétation identique de la portée des revendications du brevet de la société TIRU, concernant l'appréciation de la validité dudit brevet et l'appréciation de sa contrefaçon.
TIRU sollicite que sa demande de renvoi des demandes reconventionnelles soit assortie d'un sursis à statuer de sa demande principale en contrefaçon devant la présente division, et ce afin d'éviter toute décision contradictoire. TIRU affirme que ce sursis à statuer ne retarderait que de deux ou trois mois au plus l'issue du litige en contrefaçon. (Cf. frise chronologique produite dans la demande procédurale de TIRU)
VALINEA se dit surpris de cette demande de la part de TIRU mais s'en remet sur ce point à la décision du juge rapporteur. Lors de la réunion de mise en état, les représentants de VALINEA ont souligné que les actions de TIRU, qui appartient au groupe PAPREC, concurrent direct du groupe
VEOLIA, ont perturbé l'exploitation du four d'incinération concerné en en retardant la mise en fonctionnement par mesure de précaution en attente de l'issue de ce litige, ce qui a un impact économique important et que cette perturbation doit durer le moins longtemps possible.
MAGUIN reprend des arguments similaires pour d'opposer à la demande en sursis et en bifurcation, en soulignant en outre qu'elle n'est pas une filiale du groupe VEOLIA et en affirmant qu'elle n'est pas concernée par le litige en révocation devant la Division centrale de Paris.
Au vu de ces éléments et conformément au principe d'efficacité de la procédure (point 7 du préambule RdP), après avoir mis en balance les intérêts respectifs des parties pour assurer un procès équitable (point 5 du préambule RdP), le panel considère que le demandeur a intérêt à obtenir une décision rapide sur la contrefaçon alléguée et que les défendeurs ont également intérêt à ce que l'aléa du litige en cours qui a retardé la mise en fonctionnement du four allégué de contrefaçon soit levé rapidement par une décision au fond. Dans ce contexte, il convient d'ordonner la bifurcation des demandes reconventionnelles en nullité du brevet au profit de la Division centrale. Il est en effet pris en compte le fait que la Division centrale a été saisie en premier de la demande en révocation du brevet et devrait donc rendre sa décision plus rapidement, et que les arguments sur la validité du brevet développés par VEOLIA sur la validité devant la Division centrale sont quasiment identiques à ceux développés dans les demandes reconventionnelles devant la présente division locale par VALINEA et par MAGUIN.
C'est donc par mesure d'économie des moyens et d'efficacité que cette mesure de bifurcation doit être ordonnée concernant seulement les demandes reconventionnelles.
Dans un même souci d'efficacité, afin d'éviter de ralentir l'action en contrefaçon, ce qui est dans l'intérêt du demandeur, mais également dans celui des défendeurs car la durée de ce litige a forcément un impact économique notamment pour les sociétés du groupe VEOLIA (comme VALINEA), concurrent direct de PAPREC auquel appartient TIRU sur le marché du traitement des déchets par incinération, il ne sera pas fait droit à la demande de sursis à statuer dans l'action en contrefaçon en attente de l'issue de l'action parallèle devant la division centrale sur la validité du brevet.
L'action en contrefaçon devant la présente division sera poursuivie, sans extension des délais, et le sera en tenant compte de la version du brevet telle que modifiée inconditionnellement par TIRU devant la division centrale, comme il sera également tenu compte de l'interprétation des revendications telles que soutenues devant la Division centrale dans le contexte de l'attaque en validité pour l'appréciation de la contrefaçon, conformément à l'article 69 de la CBE et de la jurisprudence constante de la JUB sur ce point (UPC_CoA_335/2023 et UPC_CoA_1/2024).
En outre, le panel note que, d'une part, concernant un possible ralentissement de la procédure devant la division centrale du fait de l'intervention de MAGUIN, ce ralentissement n'est pas certain en ce que MAGUIN a une défense similaire aux sociétés du groupe VEOLIA sur la validité, et d'autre part, concernant le risque de décisions contradictoires entre les divisions locale et centrale si la division centrale rend sa décision plus tard, la division locale a toujours la possibilité en attente de la décision finale de la division centrale, soit de surseoir à statuer si nécessaire à tout moment de la procédure (Règle 295 m qui prévoit la possibilité de surseoir dans tous les cas où la bonne administration de la justice l'exige), soit de rendre une décision au fond sur la contrefaçon sous condition que le brevet soit déclaré valide par la Division centrale comme il est prévu à la règle 118.2 RdP.
Par conséquent, il convient de renvoyer les demandes reconventionnelles en nullité devant la division centrale pour décision et de ne pas surseoir à statuer sur la demande en contrefaçon dont l'action se poursuit selon les délais prévus par le règlement de procédure devant la présente division.
Par ces motifs,
Le panel ordonne :
-la jonction des affaires ACT_7950/2025 UPC_CFI_130/2025et ACT_7999/2025 UPC_CFI_132/2025qui se poursuivent devant la présente Division sous un seul numéro ACT_7950/2025 UPC_CFI_130/2025,
-le renvoi des demandes reconventionnelles en nullité du brevet EP 578 de VALINEA et MAGUIN devant la Division centrale de Paris, conformément à l'article 33-3 de l'AJUB,
-rejette, à ce stade de la procédure, la demande de sursis à statuer de l'action en contrefaçon en attente de la décision au fond de la Division centrale saisie d'une action en révocation sur le brevet EP 578 par VEOLIA,
-invite TIRU à déposer son mémoire en réponse au mémoire en défense au plus tard le 11 août 2025 concernant sa demande en contrefaçon, en se fondant sur la version du brevet tel qu'il souhaite le voir modifié inconditionnellement par la Division centrale,
-rappelle que, dès que les dates de la conférence de mise en état et de l'audience orale seront fixées conformément à la règle 28 RdP par le juge rapporteur, ce dernier les communiquera à la Division centrale de Paris conformément à la règle 37-5 RdP,
-dit que la présente ordonnance est susceptible d'un appel selon les modalités de la règle 220-2 RdP.
Rendue à Paris, le 22 juillet 2025.
C. Lignières, juge rapporteur
C. Gillet, juge qualifié sur le plan juridique
R. Lopes, juge qualifié sur le plan juridique
R. Fulconis, juge qualifié sur le plan technique
DETAILS DE L'ORDONNANCE
Ordonnance nº ORD_33141/2025 dans l'ACTION Nº : ACT_7999/2025
UPC nº : UPC_CFI_132/2025
Type d'action : Action en contrefaçon
Procédure connexe n° : 31180/2025
Type de demande : Demande procédurale générique